Soyez protéiforme 🦑
GAZETTE OLDWOOD #14 {extrait}
Mes chères montagnes endormies,
Tout le malheur des hommes vient d'une chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre. C'est Pascal qui écrivait cela. Reposez-vous, enfin.
Paul Eluard s'est amusé à écrire des poèmes que lui inspiraient les tableaux de ses amis peintres. Le recueil s'appelle je crois "La peinture en poèmes". Les poètes sont indispensables, bien qu'on ne sache pas à quoi. Les mots et les images, intrinsèquement liés, comme issus des fibres d'un même monde.
Je vous ai évoqué, dans une édition précédente de cette gazette, mon travail autour de l'illustration d'un classique de la littérature. L'écriture reste étroitement liée à mon travail visuel. Je suis en train de réaliser une série de cartes, chacune accompagnée d'un court poème allant avec son illustration. C'est une manière de me préparer à mon prochain projet d'envergure : la création d'un jeu de cartes inspiré de folklore.
À l'école j'étais l'élément équivoque, bonne élève, quoique facilement distraite et indocile, mais je me débrouillais toujours. Ma manière d'apprendre se voulait désordonnée, je frôlais souvent le hors-sujet, j'allais au-delà des consignes. Les consignes devaient stimuler mon imagination, ou bien elles m'ennuyaient profondément. Le jour du bac, je suis arrivée légèrement en retard. La plupart des gens du cinéma que j'admirais alors ne l'avaient jamais eu.
Et soudain, pas plus tard que la semaine dernière, j'ai entendu un de mes collaborateurs dans la direction artistique dire : “Soyez protéiforme”. Soyez curieux, soyez multiples, n'ayez pas peur de vous disperser. Il n'est rien de plus enivrant que d'aller à tâtons dans un brouillard d'idées naissantes.